Avec l'interview de Julie Crenn
La proposition nous permet d'appréhender l'art textile avec un regard plus large et plus critique. On découvre le travail de deux pionnières féministes, Hessie et Raymonde Arcier, des oubliées de l'histoire de l'art, ou celui de l’Égyptienne Ghada Amer qui, lorsqu'elle prend conscience de son statut de femme artiste, décide de le revendiquer en créant des œuvres mêlant peinture et broderie. Ici, il est question de libération et de courage, dont le travail minutieux et incessant de la matière textile est la métaphore. Le textile a bien quelque chose de persistant, de tenace même, sous une apparence de fragilité. L'exposition chemine dans le temps en montrant aussi des oeuvres de jeunes artistes engagés comme les portraits en habits de carnaval de Raphaël Barontini qui parlent de la libération du corps et de la confusion des genres ou l'étrange statue totémique aux allures de mannequin magique de l'artiste indienne Rina Banerjee. L'oeuvre de Shadi Ghadirian, photographe iranienne devenue célèbre avec ses portraits de femmes intégralement voilées dont les visages sont remplacés par des ustensiles de cuisine, recourt à une mise en scène simple, presque caricaturale, pour que le message soit encore plus fort. Trois grandes thématiques traversent cette exposition : l'histoire de la libération des corps, notamment les corps noirs, l'expérience de l'exil et de la migration et l'engagement féministe dans la création textile. Une exposition dont la réflexion est aussi politique explique Julie Crenn. Autobiographique aussi. Chaque artiste nous raconte en effet sa propre histoire. Julie Crenn avait déjà appréhendé cette ouverture artistique en s'intéressant au travail de Frida Kahlo. Plusieurs artistes nous racontent leur exil, leur trajet d'un pays à l'autre, leur déracinement et chaque oeuvre revêt une charge émotive qui implique le regardeur. Ainsi, l'artiste coréenne Kimsooja nous raconte en vidéo son nomadisme en évoquant en filigrane la situation de plusieurs artistes actuels, exilés volontaires ou politiques. Dans sa vidéo-performance visible dans l'exposition, issue d'une résidence d'artiste qu'elle avait faite au MAC/VAL de Vitry-sur-Seine en 2007, elle rassemble sur son chemin, dans son pick-up, des balluchons, comme autant d'histoires de diverses communautés qu'elle croise sur son passage. L'exil, oui, impossible de ne pas en parler...
Des sculptures textiles du jeune Jérémie Gobé qui émerge sur la scène artistique à celle plus connues de la superstar de l'art textile Joana Vasconcelos qui avait eu droit à une exposition personnelle au château de Versailles, la première pour une femme artiste, l'exposition Soft Power de Julie Crenn s'inscrit aussi dans une tendance, celle d'un regain d'intérêt chez les artistes pour les techniques artisanales dont la résistance, au sens propre comme au figuré, ne peut être négligée.
L'exposition Soft Power, ou la réappropiration des techniques textiles par les artistes est encore visibles jusqu'au 19 janvier au centre d'art contemporain Transpalette de Bourges, du mercredi au samedi de 14h à 19h. Vous pourrez également rencontrer les artistes Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, ainsi que Jérémie Godé samedi 19 janvier, jour de clôture de l'exposition.
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