Il se sont rencontrés à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes et ont obtenu le prix Marcel Duchamp en 2012. La sculpture les a réunis pour une aventure à
quatre mains. Jusqu’au 15 octobre, la galerie parisienne Loevenbruck expose
leur travail.
Ensemble, ils modèlent et sentent
la matière. Plus celle-ci leur résiste, plus ils relèvent le défi. Il est
question de processus de création et d’expérimentations. Daniel Dewar et
Grégory Gicquel aiment l’acte d’élaboration, quand la forme surgit de manière
« artisanale ». L’aspect souvent non lisse, presque inachevé de leurs
sculptures, permet de percevoir le geste créateur ancré dans une base d’où
prend forme une figure. Les stigmates de l’effort physique semblent faire
partie de l’œuvre qui n’en est que plus émouvante.
Crédit : Jennifer Westjohn
De leur grand atelier bruxellois,
sont sorties dix œuvres présentées dans les jardins de l’hôtel Biron en 2014. Des
jambes, des pieds, un buste, des corps humains, autant de figures qui ont
nécessité un long travail de modelage. A l’atelier, cela correspond à près de
vingt tonnes d’argile. De la matière, toujours de la matière. Les œuvres finies
sont marquées par le regard décalé, voire humoristique des deux artistes, un
regard à la Marcel Duchamp, posé sur les choses ordinaires. Ils aiment
détourner les objets et jouer avec les références à l’histoire de l’art. Des
fragments ou même des morceaux « d’architecture » côtoient d’étranges
allégories qui prennent la forme d’animaux ou de… sanitaires! Les sanitaires,
justement, une des obsessions des deux sculpteurs. Là encore, Duchamp n’est pas
loin.
A la galerie Loevenbruck jusqu’au
15 octobre, leur exposition montre des hauts-reliefs en céramique composés
simplement de carreaux, comme ceux que l’on peut apposer aux murs de nos salles
de bain ou de nos sanitaires. De cette structure de base somme toute banale,
de petites formes de lavabos et de cuvettes WC pointent le bout de leur nez,
comme des ornements ; l’ornement du quotidien. L’art en devient-il banal,
insignifiant, voire même ridicule ? Dewar et Gicquel prônent le contraire.
Tout est art semblent-ils dire, comme Ben peut le faire en peinture. Le
façonnage industriel, les objets fabriqués en série, ont eux aussi leur propre
forme, leur propre design, pensé et dessiné par un « artiste » de
l’ombre et du quotidien. Ils peuvent donc entrer dans l’art fécondé par le
modèle de notre société moderne. Le beau n’est pas la question ici. Le rêve non
plus d’ailleurs. Mais le détournement des images et le message des artistes lancé
à notre époque, oui.
La complexité des projets de
Dewar et Gicquel vient souvent de la densité du béton utilisé qui nécessite des
moules renforcés. Surtout pour leurs sculptures en grand format, comme celles
qui ont animé le jardin de l’Hôtel Biron (Musée Rodin) à Paris en octobre 2014
dans leur exposition intitulée « La jeune sculpture ». Le duo
d’artistes avait confié alors vouloir prendre le contrepied de la
reproductibilité des œuvres (dont Rodin lui-même avait bénéficié). En
perpétuelle évolution, ils ne cessent de questionner à travers leurs différents
travaux la place de la sculpture dans notre société actuelle, ce qui les a menés
à commencer une série photographique de
leurs œuvres en atelier, nouvelle imagerie de leur réflexion sur la sculpture.
Dewar et Gicquel sont représentés par la galerie Loevenbruck à Paris.
En ce moment y est présentée leur exposition « Soneware murals ».
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