lundi 19 septembre 2016

Dewar et Gicquel, de l'art des...sanitaires

Il se sont rencontrés à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes et ont obtenu le prix Marcel Duchamp en 2012. La sculpture les a réunis pour une aventure à quatre mains. Jusqu’au 15 octobre, la galerie parisienne Loevenbruck expose leur travail. 

Ensemble, ils modèlent et sentent la matière. Plus celle-ci leur résiste, plus ils relèvent le défi. Il est question de processus de création et d’expérimentations. Daniel Dewar et Grégory Gicquel aiment l’acte d’élaboration, quand la forme surgit de manière « artisanale ». L’aspect souvent non lisse, presque inachevé de leurs sculptures, permet de percevoir le geste créateur ancré dans une base d’où prend forme une figure. Les stigmates de l’effort physique semblent faire partie de l’œuvre qui n’en est que plus émouvante. 
Crédit : Jennifer Westjohn
De leur grand atelier bruxellois, sont sorties dix œuvres présentées dans les jardins de l’hôtel Biron en 2014. Des jambes, des pieds, un buste, des corps humains, autant de figures qui ont nécessité un long travail de modelage. A l’atelier, cela correspond à près de vingt tonnes d’argile. De la matière, toujours de la matière. Les œuvres finies sont marquées par le regard décalé, voire humoristique des deux artistes, un regard à la Marcel Duchamp, posé sur les choses ordinaires. Ils aiment détourner les objets et jouer avec les références à l’histoire de l’art. Des fragments ou même des morceaux « d’architecture » côtoient d’étranges allégories qui prennent la forme d’animaux ou de… sanitaires! Les sanitaires, justement, une des obsessions des deux sculpteurs. Là encore, Duchamp n’est pas loin.
A la galerie Loevenbruck jusqu’au 15 octobre, leur exposition montre des hauts-reliefs en céramique composés simplement de carreaux, comme ceux que l’on peut apposer aux murs de nos salles de bain ou de nos sanitaires. De cette structure de base somme toute banale, de petites formes de lavabos et de cuvettes WC pointent le bout de leur nez, comme des ornements ; l’ornement du quotidien. L’art en devient-il banal, insignifiant, voire même ridicule ? Dewar et Gicquel prônent le contraire. Tout est art semblent-ils dire, comme Ben peut le faire en peinture. Le façonnage industriel, les objets fabriqués en série, ont eux aussi leur propre forme, leur propre design, pensé et dessiné par un « artiste » de l’ombre et du quotidien. Ils peuvent donc entrer dans l’art fécondé par le modèle de notre société moderne. Le beau n’est pas la question ici. Le rêve non plus d’ailleurs. Mais le détournement des images et le message des artistes lancé à notre époque, oui.
La complexité des projets de Dewar et Gicquel vient souvent de la densité du béton utilisé qui nécessite des moules renforcés. Surtout pour leurs sculptures en grand format, comme celles qui ont animé le jardin de l’Hôtel Biron (Musée Rodin) à Paris en octobre 2014 dans leur exposition intitulée « La jeune sculpture ». Le duo d’artistes avait confié alors vouloir prendre le contrepied de la reproductibilité des œuvres (dont Rodin lui-même avait bénéficié). En perpétuelle évolution, ils ne cessent de questionner à travers leurs différents travaux la place de la sculpture dans notre société actuelle, ce qui les a menés à commencer  une série photographique de leurs œuvres en atelier, nouvelle imagerie de leur réflexion sur la sculpture.  

Dewar et Gicquel sont représentés par la galerie Loevenbruck à Paris. En ce moment y est présentée leur exposition « Soneware murals ».

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