dimanche 23 septembre 2018

Pieter Stampfli, pionnier du Pop Art

Pieter Stämpfli, Make up, 1963-64, courtesy galerie Vallois

Ecoutez ici ⏩ la chronique radio, avec la voix de Pieter Stämpfli

C'est une soirée de vernissage comme tant d'autres dans cette galerie parisienne prisée des amateurs d'art. Ce 13 septembre 2018, amis et collectionneurs sont au rendez-vous. Tous se retrouvent dans les deux espaces de la galerie Vallois rue de Seine pour découvrir les oeuvres pop-art de Pieter Stämpfli. De grandes toiles colorées qui montrent des peintures lisses des objets du quotidien. Au-delà de l'image, c'est l'idée de l'image, celle d'une société de consommation qui débarque dans les foyers à l'époque où ces œuvres sont créées. On est en 1963 et 1964. Pieter Stämpfli vient de découvrir les artistes américains et anglo-saxons, les pionniers du Pop Art. Il ne s'en détachera plus, happé par la nouvelle vague.

Aujourd'hui, âgé de 81 ans, le peintre suisse a toujours l'oeil alerte. D'un seul regard, je comprends qu'il est rôdé aux expositions et qu'il a toujours autant de rigueur que d'énergie. Je l'embarque dans le bureau à l'arrière de la galerie pour lui arracher quelques mots. Le micro en place, il hésite un instant, se recale sur sa petite chaise, semble un peu gêné.

"C'est juste un enregistrement radio"
"Oui" me dit-il.

Et il se met à me raconter l'histoire de ces objets du quotidien, images de la culture populaire qui ont accompagné toute sa création et rappellent les oeuvres d'Andy Warhol ou de Roy Lichtenstein. Mais à la différence de ces deux stars du Pop Art, Pieter Stämpfli est beaucoup moins connu du grand public. Pourtant, lorsque Warhol fait la première exposition de ses célèbres boîtes de soupe Campbell en 1962, Stämpfli, lui, de l'autre côté de l'Atlantique, commence à peindre ses objets du quotidien sentant qu'il est au début d'une nouvelle ère. Il me souffle que les œuvres exposées ce soir sont très importantes pour lui, qu'il les a gardées toute sa vie, que pendant tout ce temps, il ne souhaitait pas s'en séparer, car elles sont les seules rescapées d'un incendie qui a ravagé son atelier en 1990. Une centaine de toiles de cette période sont alors parties en fumée. Puis, finalement, face à l'enthousiasme de son galeriste, l'artiste a cédé. Après tout, il faut bien que ces œuvres soient montrées. Un succès, puisque dès ce premier soir, la directrice de la galerie m'indique que la moitié des œuvres sont déjà vendues. 
Ici,
un fer à repasser,
un frigidaire,
là un lavabo ou encore une chope de bière,
une jeune femme se maquillant...

On se croirait en plein dans un catalogue de publicité pour produits de consommation des années 1950. A la différence que sous le pinceau de Pieter Stampfli, les images sont parfaitement peintes. Les nuances sont belles, les traits séduisants. Le tour de force : l'artiste parvient à nous faire oublier la banalité du sujet. On ne voit plus que la beauté du trait qui ressort sur un fond absolument neutre, blanc le plus souvent. Pourquoi s'est-il autant intéresser à ce nouveau genre artistique ? Parce qu'il s'est mis à regarder la peinture anglo-saxonne et américaine alors qu'il s'installait à Paris en 1959. Ses expérimentations l'ont ensuite mené à regarder les voitures et les pneus. Le pneu et la trace de pneu sont un leitmotiv chez lui. Il y voit un symbole de notre époque. Mais aussi une forme géométrique passionnante à peindre et à agrandir, jusqu'à l'abstraction. Il le dit, son vœu aujourd'hui est de laisser une trace, celle d'un peintre qui aurait vu tout de suite, en observant, quels ont été les grands changements de son époque. C'est un peu comme ça qu'il définit un bon peintre. Celui qu'on n'oubliera pas, qui restera. A ce titre, il a aussi créé une fondation d'art à Sitgès, sa ville de coeur près de Barcelone en Espagne. Plusieurs dons spontanés d'oeuvres d'art sont déjà venus enrichir la collection. Là aussi, il y a cette volonté de laisser une trace...

La galerie Vallois compte retracer la carrière du peintre à travers une série d'expositions à venir sur des périodes clefs de sa vie. A la fin de l'interview, il m'explique que toute son aventure artistique a véritablement commencé lorsqu'il voit une exposition à la Kunsthalle de Bâle en 1958, la première sur l'expressionnisme abstrait avec Pollock, Klein, Rothko...une vision qui va changer sa vie, le décidant à venir s'installer à Paris et à abandonner la peinture académique.
Une émotion qui fait toujours briller son regard.

L'exposition "Stämpfli Pop (1963-1964)" est visible jusqu'au 20 octobre galerie Vallois au 33 et 36 rue de Seine à Paris.

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